J’ai récemment lu un article qui expliquait que l’âge idéal pour se marier était 26 ans. Je vous passe les détails scientifiques de cette belle étude, qui nous dicte encore une fois ce que l’on est censé faire pour entrer dans la norme , je vais en revanche m’attarder sur différents points : ceux qui la diffusent et ceux qui intègrent cette information.
Ces dix dernières années j’ai alterné les périodes de célibat et de couple. Et j’ai remarqué une chose, qui se confirme de plus en plus avec l’âge : nous ne sommes jamais dans la bonne case. Que la société – et par société j’entends notre entourage guidé par les médias souvent eux-même guidés par une économie consumériste – nous mette dans des cases est déjà suffisamment difficile mais nous faire ressentir que nous ne sommes jamais dans la case premium est extrêmement fatigant.
Auriez-vous tous l’amabilité de nous foutre la paix ?
La case premium, la Rue de la Paix du Monopoly de la vie
Vous la connaissez la case premium ? Mais si, réfléchissez ! C’est celle dans laquelle vous n’êtes pas. C’est la case « couple » lorsque vous êtes célibataire. Ou la case « mariage » lorsque vous êtes en couple (qui vient généralement entre la case « achat d’appartement » et « premier enfant »). Et lorsque vous atteignez une des cases, la première réaction de vos pairs et de poser une simple question commençant par « Quand est-ce que vous [à compléter selon vos envies les envies de votre entourage] ? »
Que se passe-t-il lorsque vous n’êtes pas dans la bonne case ? Vous êtes frustrés, vous vous plaignez. Ce n’est pas assez comme-ci ou pas suffisamment comme-ça. « Et si on achetait une nouvelle voiture ? Ca te dit un petit deuxième ? J’ai envie d’un meilleur poste et d’une meilleure boite, maintenant, tout de suite ! Ma vie est trop linéaire, je m’ennuie ! Je suis perduuuuue. »
– Do you have a plan ? – I don’t even have a « pla » ! Friends.
Bref, vous voyez le topo.
Qui joue le jeu de la frustration ?
Tout d’abord ma première réponse serait de taper sur les médias qui diffusent des études en nous conseillant de nous marier à 26 ans ou qui publient des articles sur ce que l’on est censé consommer en fonction de notre âge, de notre statut social et de notre statut marital (cochez la case célibataire ou en couple). Puis il y a les grands groupes capitalistes qui à coup de marketing bien aiguisé se servent des médias pour nous persuader que nous appartenons à une case et que lorsqu’on est dans cette case, nous nous devons de consommer de tel ou tel façon. Entendons nous bien, la case suprême étant celle qui consomme le plus. Mais sont-ils vraiment totalement responsables ?
Mais n’est-il pas un peu facile de taper en permanence sur les autres ?
Le schéma
Je vous le concède, des décennies de capitalisme et de patriarcat nous ont formaté et bien formaté. Faire des études, avoir un CDI, trouver « la perle rare », faire un gros mariage, avoir une carrière exemplaire, acheter une maison, faire des enfants, voyager, préparer sa retraite, partir en retraite. Le schéma français par excellence.
Même si j’aurais tendance à critiquer le fait qu’il existe un schéma tracé et précis de ce que nous nous devons de faire de notre vie – aux dépens de ceux qui ne souhaitent pas une vie similaire et se font en permanence jeter des pierres à la moindre dérive du schéma – ce n’est pas le propos qui nous intéresse aujourd’hui.
Non, ce qui nous intéresse aujourd’hui concerne aussi bien ceux qui souhaitent suivre ce modèle que les autres. C’est cette incapacité à profiter du moment présent. Ce fameux schéma tout tracé nous poursuit tel un effet boule de neige, qui avec l’âge grossit et nous menace (surtout passer la trentaine, âge où nous sommes supposés avoir accompli une bonne partie du schéma). Et nous l’avons tellement en tête, que lorsque nous arrivons à une étape, il faudrait déjà être en train de penser à la suivante. Vouloir toujours plus. Ceux qui le suivent ne vont pas assez vite et les autres sont des originaux qui « y viendront un jour ou l’autre ».
Comment changer cela ?
C’est à nous de changer. En tant qu’individu et membre d’une société. Des efforts individuels peuvent se transformer en un acte collectif. Car nous faisons des tas d’erreurs :
Tout d’abord prendre pour vérité absolue l’opinion de celui qui nous met dans une case. Personne ne nous oblige à rien. Nous avons décidé de recevoir une information, à nous de décider comment nous allons la traiter. Vous avez des devoirs et un cadre légal à respecter certes, mais en dehors de ça personne ne vous force à être mariée, célibataire, avoir deux enfants ou une carrière à 5 chiffres par mois. La plupart du temps même, nous interprétons négativement les propos d’autrui car nous projetons notre propre négativité ou peur dans leurs paroles. Nous allons nous braquer pour une simple question bienveillante. Et cela vient de nos propres incertitudes, nos propres doutes, notre propre peur de bouleverser le schéma.
Ensuite, nous faisons en permanence ce que nous détestons que l’on nous fasse. La jouissance d’atteindre une case et d’être arrivé à un échelon supérieur (supérieur selon un jugement totalement subjectif) à celui sur lequel nous nous trouvions, que nous nous sentons alors légitimes à critiquer ceux qui se trouvent à notre ancienne position. Pathétique, me direz-vous ? Jetez un coup d’oeil dans le rétroviseur et vérifiez si vous ne l’avez jamais fait.
Stop.
Pourrions-nous nous arrêter quelques instants. Regarder autour de nous et profiter. Juste profiter. Et pourrions-nous arrêter de vouloir pour les autres ce que nous avons déjà ou avons en tête. Est-ce possible ? Allez, nous allons dire que c’est possible.