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Qui sont les sorcières d’hier et d’aujourd’hui ?

written by Solène 31 octobre 2018

D’aussi loin qu’on puisse se souvenir, les sorcières ont toujours fait partie de notre environnement culturel. Entre pop culture et femmes historiquement marginalisées, qui sont les sorcières d’aujourd’hui ?

À l’approche d’Halloween, tout un chacun redouble d’imagination pour gagner le concours du meilleur costume. Le plus original, le plus effrayant ou encore le plus débile allant d’Einstein à Jack l’éventreur en passant par Bob l’éponge (carrée). Mais lorsque nous parcourons les allées des magasins, force est de constater que les femmes n’ont guère de choix lorsqu’il s’agit de choisir leur accoutrement. Chatte en chaleur, infirmière sexy, policière sadomasochiste ? Quelle professionnelle serais-je cette année ?

Oh bonheur, une alternative m’est proposée : la sorcière. Chapeaux pointu, grande cape et nez crochu sont de la partie. Catins ou monstres, faites votre choix.

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La sorcière dans Blanche Neige qui n’est autre que sa méchante belle-mère, la reine.

Bercées par la pop culture, nous avons été biberonnées à la sorcière.Tantôt effrayantes comme celle de Blanche-Neige, tantôt toutes puissantes comme les soeurs Halliwell ou encore gentilles et sympathiques comme Sabrina l‘apprentie sorcière ou Ma sorcière bien aimée.

Les sorcières ont toujours oscillé entre admiration et rejet. Leur point commun ? Leur marginalité.

Les sorcières au bûcher, des boucs émissaires

La chasse aux sorcières remonte aux prémices du Moyen Âge et connaîtra son apogée aux XVIe et XVIIe siècles avec sur 110 000 procès, 60 000 condamnations à mort, majoritairement féminines. Des femmes souvent veuves, sans enfant et/ou âgées et qui vivent dans des espaces reculés. Elles sont alors prises en grippe par l’église qui les voit comme une menace et les accusent de tous les vices. On les accusera par exemple (entre autre) de s’adonner à des pratiques monstrueuses comme le sacrifice d’enfants et l’élaboration de décoctions mortelles.

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« Sorcière » condamnée à mort.

En 1550, la sorcière devient plus traquée que le sorcier, c’est un véritable tournant dans l’histoire des chasses aux sorcières. Les accusations de sorcellerie se démocratisent et se féminisent. Elles deviennent la cible idéale des femmes jalouses ou des hommes infidèles auxquels elles se sont refusées.

S’en suit une déferlante de procès arbitraires, impossibles à juger tant la preuve d’appartenance à Satan que tous recherchent, est évidemment inexistante.

Plusieurs personages illustres tenteront de dénoncer l’absurdité de ces accusations. Montaigne après avoir rendu visite à l’une d’entre elle en prison, les qualifiera de « simples folles ». Michelet quant à lui, écrira La sorcière un essai publié en 1862 à Paris, qui présente une vision romantique de la sorcière. Il sera vivement critiqué et peu pris au sérieux.

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Scène de Sabbat. Dans le folklore européen, on dénomme sabbat les assemblées nocturnes de sorcières, lesquelles donneraient lieu à des banquets, des cérémonies païennes, voire des orgies.

C’est en 1682, que Louis XIV signe un édit royal qui déclare la sorcellerie « irréelle et inventée ».  La chasse aux sorcières s’arrête comme elle est arrivée, selon la bonne volonté d’un homme. Effectivement, la médecine a fait des progrès et les maladies ne s’expliquent plus comme l’oeuvre du diable. De plus, le Roi Soleil ne tolère pas l’existence d’un système répressif qui sème le désordre dans son royaume.

Qui sont les sorcières d’aujourd’hui ?

Le MLF, premier débloquage des idées reçues

La littérature et la culture populaire ont continué à cultiver le stéréotype de la méchante sorcière notamment dans les contes pour enfants. 

Il faut attendre les années 70 pour changer l’image de la sorcière. Les féministes de la seconde vague s’emparent du mouvement et clament alors : « nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ».

Historiquement les sorcières étaient des femmes marginalisées par une institution patriarcale et une population misogyne. Leurs différences dérangeaient. Leurs potentiels « pouvoirs » effrayaient. Il est donc tout naturel que le mouvement féministe se soit approprié cette qualificationautrefois peu glorieuse, mais Ô combien symbolique.

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Août 1970, le Mouvement de Libération des Femmes, deuxième vague du féminisme.

Dans son dernier ouvrage – Sorcières, la puissance invaincue des femmes – Mona Chollet affirme que : « Les femmes indépendantes, moins dociles, ont été jugées dangereuses par une élite masculine soucieuse de ses prérogatives. Et aujourd’hui encore, leur indépendance n’est pas toujours regardée d’un bon œil. Une forme moderne de chasse aux sorcières subsiste au XXIe siècle ».

Et les stéréotypes sont incrustées dans la pensée commune. Un exemple tout simple, la femme célibataire avec son chat– l’animal préféré des sorcières – est devenue synonyme de vieille fille et de pathétique. Absurde !

Les années 90, la sorcière devient cool !

Dans les années 90, les sorcières sont réhabilitées et modernisées. Elles inondent les fictions à l’écran, sous la forme de jeunes femmes fortes et libres. Exit les vieilles femmes laides et bossues sur leur balai volant, bonjour Hermione, Sabrina et les soeurs Halliwell. Les sorcières deviennent cools.

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Charmed

Sorcières d’aujourd’hui : émancipation et ouverture d’esprit

Dans une logique similaire, depuis quelques années les sorcières sont de retours. Les féministes actuelles ayant pris la suite de leurs aînées, les sorcières d’aujourd’hui sont synonymes d’émancipation, d’ouverture d’esprit et de rapprochement avec la nature.

La sorcière est une femme libre et rebelle, queer et militante. « La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable » nous dit Mona Chollet. Elle ajoute à ces propos : « Les sorcières sont des figures de femmes fortes, qui s’éloignent d’une voie toute tracée. C’étaient des femmes qui dérangeaient l’ordre établi et qui étaient pourchassées de manière arbitraire ».

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L’idée derrière tout ça ? Faire tomber les stéréotypes liés à la marginalisation de certaines femmes par la société et symboliquement faire passer un message. Nous sommes de retour, plus fortes que jamais et cette fois, nous ne permettrons plus qu’on nous « mène au bûcher » sans rien dire. Le bûcher n’existe plus mais l’oppression – elle – est toujours bel et bien présente. 

Mon déguisement de cette année est tout trouvé. Et vous ? 


Pour parfaire votre culture sur le sujet, je vous invite à lire l’ouvrage de Mona Chollet « Sorcières, la puissance invaincue des femmes »et également de vous pencher sur la série « Sorcières » du podcast de La Poudre par la très talentueuse Lauren Bastide. 


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