Bobonne a rencontré Céline Bizière, fondatrice de l’ONG le Salon des Dames. Spécialiste en littérature féministe, elle aime les femmes, le rouge et elle sait de quoi elle parle. Rencontre avec une passionnée.
J’ai retrouvé Céline à la terrasse intérieure d’un petit hôtel Montmartrois autour d’un thé, de bon matin. À deux pas du Salon des Dames, nous avons échangé sur le féminisme, l’entrepreneuriat, l’engagement (féministe) et les femmes. Parce qu’au final notre combat, si il faut l’appeler un combat, est assez « simple » : rendre les femmes plus heureuses.
Céline c’est la gentillesse incarnée. Une grande romantique avec la tête sur les épaules et un cerveau bien construit. Elle a appris très tôt que la vie n’était pas facile et n’était pas gagnée d’avance et elle essaie aujourd’hui au travers de l’ONG Le Salon des Dames de rendre le monde meilleur. N’en déplaisent à ses détracteurs, le féminisme est né pour faire le bien. Démonstration.
Qui es-tu Céline Bizière, si tes amis devaient te décrire que diraient-ils ?
Ah! ah ! Je ne parle jamais au nom des gens, du coup il vaut mieux leur demander ! En tout cas les pauvres sont embarqués dans chacun de mes projets. Je les épuise un peu parfois je crois !
Tu es la fondatrice du Salon des Dames, parle-nous de cette belle ONG…
C’est une ONG qui agit grâce à l’éducation. On pense que beaucoup de lois existent et que ce n’est pas pour autant que l’égalité est une réalité. Il y a un énorme détricotage culturel à mettre en place. Et pour moi, il commence par la sororité, soulever le voile de l’histoire et montrer que non, les femmes n’ont pas toujours été rivales, et que c’est ensemble qu’on soulève des montagnes.
Quels sont les prochains projets du Salon ?
Il y en a tant ! En ce moment je travaille sur deux livres. Le premier parle d’amour bienveillant pour les femmes et est un projet politique d’amitié entre femmes à mettre en place pour accélérer l’émancipation, le second parle de sexualité pour les ados et soulève tous les tabous du corps féminin. Je le co-écrit avec Odile Buisson, la gynécologue spécialiste du désir féminin.
Autrement, évidemment il y a le lancement des ateliers du Salon, des conférences prévues, et plein de surprises.
Il y a un énorme détricotage culturel à mettre en place. Et pour moi il commence par la sororité, soulever le voile de l’histoire et montrer que non, les femmes n’ont pas toujours été rivales, et que c’est ensemble qu’on soulève des montagnes.
Ton plus grand rêve pour le Salon, ça serait quoi ?
Qu’on n’en est n’est plus besoin évidemment.
Question bateau mais essentielle : pour toi le féminisme, c’est quoi ?
C’est beaucoup de choses. Pour simplifier, je dis toujours que c’est vouloir l’égalité sociale, juridique et politique. Il y a autant de féminismes que de femmes, car nous sommes toutes différentes et nous ne voyons pas toujours ce combat du même angle.
Du coup, ma définition à moi, toute personnelle et plus intime, concerne le regard que nous portons sur les femmes. Il y a bien sûr la volonté d’équité, mais j’aime la différence qui nous sépare des hommes et j’aime la rendre puissante.
Pour moi, être féministe ce n’est pas avoir la même vie que les hommes. C’est imaginer une société où femmes et hommes existent à part entière dans leur spécificité et ont accès aux mêmes chances sans pour autant nier ce qui fait leur individualité.
Et je ne crois pas que cette idée qui ramène forcément au corps construise un essentialisme politique suivi d’injonctions faites aux femmes. Cela vient au contraire dire qu’on reconnaît leur différence sans en faire une infériorité. Qu’on accepte enfin que le monde existe à travers différents prismes. Mais on en est loin !
Pour cela, il faut déconstruire tout le patriarcat qui nous dresse les unes contre les autres. La solidarité entre femmes permet de s’extraire de la vision masculine du monde et de le repenser. Il n’est plus question de s’entraider dans nos faiblesses mais d’accepter les forces de chacune et d’aimer nos différences.
Pour moi, être féministe ce n’est pas avoir la même vie que les hommes. C’est imaginer une société où femmes et hommes existent à part entière dans leur spécificité et ont accès aux mêmes chances sans pour autant nier ce qui fait leur individualité.
Les féministes sont souvent très mal vues et passent pour des enquiquineuses ou des castratrices, d’où penses-tu que cela vienne ? Et comment faire pour y remédier ?
Toutes les femmes qui ont remis en question notre système patriarcal ont payé cher et souvent de leur vie : demander à Olympe de Gouges et sa tête coupée, aux sorcières brûlées. L’idée que les femmes reprennent possession de leur corps a toujours dérangé notre système. L’Homme veut contrôler la nature et les femmes incarnent cette nature puisqu’elles ont souvent la capacité de l’engendrer. Difficile pour notre société de lâcher prise et de ne plus la détruire.
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Beaucoup de personnes se sentent menacées par le féminisme et effrayées par les changements que cela pourrait faussement impliquer pour elles… Que souhaiterais-tu leur répondre ?
Que la liberté a toujours engendré la liberté. Et, que les hommes seront aussi beaucoup plus libres dans une société qui ne les élèvera pas comme des bêtes sauvages soumises à leur testostérone. Nous repoussons en faisant cela leur humanité. La cage de la virilité ne plait finalement pas à beaucoup d’hommes. Mais amis s’en passeraient bien par exemple !
L’idée que les femmes reprennent possession de leur corps a toujours dérangé notre système.
Que recommanderais-tu aux personnes qui souhaitent s’initier au féminisme et le comprendre ?
La bienveillance. Accepter d’être moins infantilisé.e.s par ce que nous dit la société aussi, se défaire du manichéisme de notre moral qui classe tout en bien et en mal. De beaucoup lire, de piocher dans tous les féminismes et de s’éduquer à ne plus juger les femmes sur des critères misogynes. C’est un long entraînement, vraiment !
Ton dada c’est la couleur rouge… raconte-nous !
J’adore le rouge à lèvres rouge depuis que je suis enfant c’est pour ça ! Pour moi il incarne quelque chose de puissant. J’ai toujours regardé avec attention les femmes qui mettaient du rouge à lèvres. Comment elles contournaient délicatement leur ligne avec ce feutre magique. Je buvais ensuite toutes leurs paroles.
Et j’aime évidemment l’ambivalence de cette couleur. Le rouge, c’est la couleur de la guerre pour les hommes, du sang, de la violence, c’est aussi la couleur de la prostitution, du sexe, de la passion pour les femmes. J’aime jouer sur les deux tableaux et mettre le bazar sur ce qu’on attend des uns et des autres.
Par exemple, quand quelqu’un m’invite en tant que féministe, il est toujours choqué de me voir perchée sur talons aiguilles et en robe rouge. Il y a un côté provoquant à entrechoquer les codes. Et j’aime beaucoup déranger et pousser les gens à changer leur mécanique de pensées.
J’adore le rouge à lèvres rouge depuis que je suis enfant c’est pour ça ! Pour moi il incarne quelque chose de puissant.
Qu’est-ce que (ou qui ?) t’inspire le plus dans la vie ?
Les femmes.
Tu gères une ONG, c’est beaucoup d’investissement personnel et financier, comment tiens-tu le coup ? Quel est ton secret pour garder le cap ?
C’est un peu compliqué, il faut bien l’avouer ! C’est beaucoup de fatigue, beaucoup de cernes, je travaille à côté en ayant toujours des projets cohérents avec ce que défend Le Salon des Dames.
Un conseil de Céline, la femme, pour les lectrices de Bobonne ?
On est tellement plus qu’une femme. On a biologiquement un corps plus ou moins en commun, à défendre ensemble et ensuite je vous souhaite à toutes une belle histoire unique et toute personnelle.
Merci Céline !
On est tellement plus qu’une femme.
Pour en savoir plus sur Le Salon des Dames :
Site web : https://www.lesalondesdames.paris/fr
Instagram : https://www.instagram.com/lesalondesdames/
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[…] le disait si bien Céline Bizière, fondatrice du Salon des Dames dans son entrevue avec Bobonne, il existe autant de féminismes que de femmes. Et elle a raison, le féminisme est pluriel. […]