Aubade, une affaire de féminisme. Une paire de fesses enveloppée dans de la dentelle sexy, un tweet indigné et voilà que la toile s’enflamme ! Entre réactions disproportionnées, mauvaises interprétations et extrapolations, remettons l’église au centre du village.
Hier, jeudi 13 décembre 2018, l’adjointe à la Maire de Paris chargée de toutes les questions relatives à l’égalité femmes/hommes, la lutte contre les discriminations et des Droits Humains, Hélène Bidard, s’est offusquée de la publicité Aubade mise en avant sur la façade des Galeries Lafayette. Un tweet impulsif au sens approximatif, qui a engendré les foudres des internautes. Fémi-nazies par-ci, neo-féministes puritaines par-là, les antiféministes n’attendaient que ça et Hélène a mis le feu aux poudres pour leur plus grand bonheur !
Et les réactions à ce tweet, ne se sont pas faites attendre :
Quel est le problème avec cette publicité ?
Il n’y a absolument aucun problème avec cette publicité. Non, je plaisante.
Qu’une marque de lingerie utilise le corps d’une femme pour mettre en avant ses produits, ce n’est en aucun cas un problème, cela semble tout à fait logique. Il y a cependant quelques petites grandes choses qui ne vont pas.
La femme dans son entièreté
Ce qui dérange les méchantes féministes qui veulent dominer les hommes (non) ce n’est pas ça. Ce qui (nous) dérange c’est que nous nous battons depuis des décennies pour que la femme ne soit pas réduite à un corps. Aussi, qu’une femme soit exposée en 4×3 n’est pas problématique, mais là ce n’est pas une femme. Ce ne sont que des fesses. Et une femme ne se réduit pas à ses fesses (oui je sais c’est la marque de fabrique des campagnes d’Aubade, mais ils ont aussi le droit d’évoluer).
Photoshop
Cette photo est magnifique, personne ne dira le contraire. Elle est très esthétique et très élégante. Et ça tombe bien c’est la signature de la marque Aubade. En revanche, il est possible de questionner l’authenticité de cette paire de fesses. Est-il impossible, en 2018, de montrer une femme comme elle est ? Pas photoshopée, pas retouchée ?
Kate Winslet (on l’aime) à demandé récemment que ses photos ne soient plus retouchées. Restons sur cette idée, si ça ne vous dérange pas trop. Ça evitera à des millions de femmes et de jeunes filles de complexer et se dévaloriser inutilement. La perfection n’existe pas. Les vergetures et la cellulite en revanche, si.
Et ne venez pas me dire que l’authenticité ne fait pas vendre. Je crois que l’humain en général et surtout en ce moment, a besoin qu’on lui dise la vérité et qu’on ne transforme plus la (sa) réalité.
Le message
Le message sur l’affiche, ne pose pas un vrai problème. « Parlez-vous Aubade ? ». On peut critiquer la facilité de l’approche marketing, mais en soi rien d’insultant ou de dévalorisant dans cette accroche. En revanche associée à la photo, on se demande ce que signifie pour la marque « parler Aubade » ?
Par ailleurs, Aubade a tweeté cette affiche avec le commentaire suivant : « Une femme Aubade sait se faire remarquer ». Sous-entendu, grâce à ses fesses. Aie. À l’heure où les femmes essaient de prouver (difficilement) qu’elles sont autre chose qu’un cul, ou qu’un corps et qu’elles peuvent se faire remarquer également grâce à leur cerveau, leur personnalité… forcément ça passe mal.
Les injonctions : qu’est-ce qu’être sexy ?
Nous en parlions avec Noémie de Lattre dans son interview pour Bobonne : AUCUN PROBLÈME quant au fait qu’une femme jouisse de sa sexualité (bien au contraire, nous l’encourageons) ou s’amuse avec les codes de la féminité et de la séduction. Mais elle se doit de le faire selon l’interprétation intrinsèque qu’elle donne à ces notions. Mais qu’est-ce qu’être sexy ? Qu’est-ce qu’être séduisante ? Renversons les codes, ou adoptons-les mais en ayant conscience qu’ils sont des codes imposés par des magazines et des marques (oui je fais un raccourci, mais dans notre monde, ce sont eux qui ont ancré ces codes dans notre tête) !
Les femmes doivent être conscientes que pour être sexy il ne faut pas forcément avoir le corps des publicités Aubade ou leurs culottes. Au contraire, inspirez-vous de la marque Lonely (ci-dessus).
Par exemple, personnellement, je suis beaucoup plus séduite par un cerveau bien construit, cultivé et avec de l’humour que par un corps taillé en V (j’aime aussi les cerveaux qui sont capables d’utiliser une cuisine, car, Ô surprise, Bobonne ne cuisine pas). Je trouve qu’un homme à la réplique drôle et subtile est bien plus sexy qu’un mec « sexy » comme l’entend la société (#teamchandler).
Quel est le problème avec ce tweet ?
Ce tweet rédigé probablement (je l’espère), de manière impulsive, n’est pas réfléchi tant dans son contenu que dans sa forme. Il encourage les uns et les autres à de multiples interprétations et ne passe, au final, pas les bons messages. Le problème avec l’intervention de l’adjointe au maire se situe à différents niveaux.
Me Too
Premièrement, cette affiche n’à rien à voir avec Me Too. Me Too est un mouvement qui souhaite libérer la parole quant aux agressions faites aux femmes. Harcèlement de rue, harcèlement sexuel, agressions sexuelles etc. Même si ces thématiques sont étroitement liées à la sexualisation de la femme par la société, ici, personne ne se fait agresser. Notre chère Hélène extrapole, donc (beaucoup). Nous voyons au contraire une femme une paire de fesses, qui est libre de se vêtir à sa guise et de jouer avec sa sexualité. Des fesses libres, donc.
Noël
Pourquoi parle-t-elle de Noël ? C’est un mystère. Ce qui est sur c’est que ça enlève de la pertinence et de la crédibilité au message de fond.
La demande de retrait
La demande de retrait est extrêmement arbitraire. Cette publicité, même si, comme nous avons pu le voir jusqu’à présent, n’est clairement pas encourageante quant à la représentation des femmes dans la société, elle n’est pas une offense directe, Aubade à toujours fait des publicités de la sorte, ce n’est donc pas un parti pris, une campagne engagée ou politique comme pourrait le faire Benetton ou Dove par exemple. C’est vrai, il auraient pu dire directement : « Les femmes sont des objets ».
On comprendra plutôt que la marque vieillissante est à la masse quant à l’évolution de la société et n’a pas su se renouveler et s’adapter (erreur donc de marketing et de communication) et enfin que le féminisme d’Aubade ou le féminisme tout court à encore du chemin à faire.
Qu’Hélène Bidard commente cette affiche et ne soit pas d’accord, c’est une chose et pourquoi pas, mais qu’en est-il des mesures prises derrière ? Les politiques sont là pour agir me semble-t-il ? Que fait-elle au quotidien pour y remédier ? C’est ça que nous voulons savoir. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir que légalement les choses avancent. À quand une loi pour des photos non retouchées par les marques ou les magazines par exemple ? Enfin, ce n’est qu’une idée.
Bref, l’adjointe s’est un peu emballée et à encore fait passer les féministes pour des chieuses hystériques qui ne résonnent pas. (Et ça devient pénible).
L’utilisation du hashtag « sexisme » ?
Le sexisme est une « attitude discriminatoire fondée sur le sexe ». Cette publicité n’est pas sexiste. Voilà c’est pas plus compliqué que ça.
Quel est le problème avec les réactions des internautes ?
Raccourcis, amalgames, généralisation, mauvais usage des terminologies, bref. Est-il si compliqué de ne pas foncer tête baissée dans l’agression, l’insulte et de prendre un peu de recul et de hauteur ? Est-ce vraiment si difficile de ne pas mettre toutes les féministes dans le même panier, d’arrêter de donner au néo-féminisme les définitions qui vous arrangent en fonction de la situation ? Serait-il envisageable de ne pas attaquer pour juste récolter un peu de notoriété ? Auriez-vous l’obligence de vous renseigner et d‘essayer de comprendre avant de tirer des conclusions ou vous exprimer sur un sujet ?
En vous remerciant.
Et de conclure…
Puisque les mots ont leur importance, je tiens à rappeler à tous que le féminisme suivant Aubade, le Larousse c’est ça : « Mouvement militant pour l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société. Attitude de quelqu’un qui vise à étendre ce rôle et ces droits des femmes : Un féminisme actif. »
On peut donc soutenir les valeurs du féminisme sans être militant et se considérer ainsi comme féministe (c’est la deuxième partie de la définition, qui heureusement a évolué avec le temps et l’usage du mot).
N’oublions pas que le féminisme est pluriel, il inclut beaucoup beaucoup de sujets comme la représentation de la femme en société, non pas parce que nous souhaitons voir plus ou autant d’hommes que de femmes en sous-vêtements, mais parce que nous souhaitons élever la femme au même statut social que l’homme c’est à dire dotée d’un cerveau (entre autre).
Précisons finalement, au risque de me répéter, que la majorité des féministes ne cherchent pas à éradiquer le genre, ni à faire la guerre aux hommes, mais bien à vivre ensemble avec nos spécificités. Enfin, l’essence même des féministes d’aujourd’hui est de vouloir l’égalité sociale, juridique et politique. Nous ne rejetons absolument pas le fait de voir des hommes et des femmes en sous-vêtements.
Photo de couverture : Lonely.
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