Chaque mois, nous livrons nos coups de coeur rien que pour vous. Le meilleur de la culture mode et féministe à Paris , c’est ici !
L’EXPO – Roux
Un mot, un adjectif qualificatif qui claque autant que sa flamboyante couleur rouille sur la rétine des visiteurs. Il faut dire que, de tout temps, la rousseur a intrigué mais a également fait peur à certains esprits impressionnables, au point de n’être jamais mise à l’honneur dans les rétrospectives. Pourtant, qu’ils soient objets de fascination ou d’obsession pour les artistes, les roux (et les rousses !) peuplent de nombreux tableaux et endossent le rôle de personnage central de bien des oeuvres.
Des compositions de Jean-Jacques Henner, dépeignant des femmes fauve et fatales, aux esquisses sanguines de la créatrice Sonia Rykiel – qui a fait de l’oranger la teinte du style, de la force d’une ingénuité déjantée ou de l’indépendance débridée – le roux s’impose, s’expose.
Photoraphies, dessins, art primitif, affiches, ouvrages… En parcourant le musée, les curieux découvrent l’omniprésence créative de ces êtres “mal-aimés” et déconstruisent les clichés qui leur sont associés. Le roux, une caractéristique belle et rare, ne touchant plus que 2% de la population, qu’il importe de préserver : pour eux, la “roux” va tourner !
LE FILM – Sibel
Que ce soit dans sa narration comme dans sa construction, ce long-métrage d’origine allemande surprend et subjugue. Et ce grâce à son héroïne, une jeune femme de 25 ans. Muette, celle-ci ne s’exprime qu’au travers de l’ancestrale langue sifflée de ses montagnes natales de Turquie. Une singularité qui la place en marge de sa communauté et fait d’elle un objet de crainte et de curiosité aux yeux des autres figures féminines du village. Alors qu’un loup semble rôder dans les forêts avoisinantes, semant la terreur, Sibel part à sa chasse mais tombe sur un vagabond blessé qu’elle décide de soigner. Une rencontre qui bouleversera l’avenir de la jeune femme et renversera les rapports de force.
Car, loin d’être un handicap, le mutisme de Sibel pourrait en vérité couver le cri sourd d’une révolte, le grondement de la libération d’un joug sexiste. Prouvant ainsi que l’étranger, l’outsider, peut exprimer bien plus sans parole que ses congénères loquaces, incapables de communiquer efficacement à force de se draper dans un voile d’aprioris.
Film de Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti, avec Damla Sönmez, Emin Gürsoy…Sortie le 6 mars 2019
LA PIECE DE THEATRE – Un spectacle drôle par Marina Rollman
A 29 ans, la comique franco-suisse amuse régulièrement les auditeurs de France Inter avec ses chroniques facétieuses, billet d’humeur et d’humour qui jette sur nos sociétés un regard affectueusement espiègle. Titillant nos travers, appuyant sur nos absurdités humaines avec une lucidité abrasive, Marina Rollman pose candidement des questions qui n’appellent pas tant une réponse qu’une introspection. Comment devient-on une bonne personne ? Quel est le projet grotesque qui nous pousse à organiser des EVJF ? Comment se défaire de ces « néo-religions » apparues avec l’évolution de l’« homo-ereintus », tels l’auto-entreprenariat et le Cross fit ? Autant d’interrogations que soulève cette fine et franche observatrice du réel, biberonnée au stand-up américain qui débite les vannes à la vitesse d’une mitraille. Des bons mots élaborés avec un soin spontanné, nés d’une plume ciselée et largués sur le public hilare avec une fraîcheur désarmante.
LE CONCERT – Le Grand Festival
Depuis plusieurs années, la Semaine nationale d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme s’incarne dans ce rendez-vous célébrant la diversité et l’engagement artistique au Musée de l’histoire de l’immigration. Un festival, invitant à se mobiliser pour la tolérance, toujours plus nécessaire en ces temps troublés où les actes xénophobes et homophobes explosent sur notre territoire.
Rassemblés autour de la “parraine” de cette édition, l’humoriste Shirley Souagnon, de nombreux artistes issus du monde du spectacle, de la musique, de la danse, du théâtre et de la scène oeuvreront ainsi artistiquement pour lutter contre les discriminations.
L’objectif de ce Grand Festival polymorphe : allier le divertissement et l’aspect militant, la dimension pédagogique avec celle festive en proposant à la fois des performances de Voguing et des séances de réflexion groupées. Et puisqu’Internet s’inscrit aujourd’hui comme la nouvelle agora où discours de haine et vindicte populaire se déchaînent, quasiment dépourvus de garde-fous, des acteurs médiatiques et des youtubeurs seront aussi impliqués et invités à débattre avec le public. Dans le but de trouver des solutions de régulation afin de permettre à la toile de redevenir un espace de liberté autant que de respect.
Du 16 au 24 mars 2019 – Au Palais de la Porte Dorée (293 avenue Daumesnil, 75012 Paris)
LE LIVRE – Le sang des mirabelles
Ne vous arrêtez pas à son titre déroutant, digne des ouvrages mélo-manesques les plus sirupeux. Car ce roman de presque 300 pages n’a rien d’un petit bonbon. Au contraire, il aurait plus une saveur douce-amère couplée à ce petit goût de « reviens-y » qui fait le sel (ou le sucre) des bons récits.
Pour cause, l’histoire que nous narre l’auteure – écrivaine aguerrie récompensée du prix du Premier roman de Chambéry pour Thornytorinx, quotidien cruel d’une boulimique-anorexique, il y a une dizaine d’années – n’est pas imbibé d’eau de rose. Le sang des mirabelles coule plutôt entre nos doigts collants comme une fable historico-féministe.
S’établissant au cœur du Moyen Âge, époque où les femmes étaient vouées au silence et placées au banc de la société, ce livre nous conte le destin de deux sœurs en quête d’émancipation. Éléonore et Adélaïde, aussi différentes de nature que semblables de courage et d’esprit, se lancent donc à l’assaut d’une vie semée d’embûches concrètes.
Deux portraits de femmes inspirantes nous faisant entreprendre un voyage dans le temps, nous incitant à jeter un regard émerveillé sur nos muses du passé.
De Camille de Peretti – Editions Calmann-Lévy