Premièrement, si vous avez reconnu cette belle référence aux L5, je vous félicite ! Vous étiez probablement, tout comme moi, victime de toutes les télé-réalités des années 2000. J’avais donc bien évidement l’album des cinq gagnantes de Popstar qu’un ami m’avait gravé (« un CD gravé » un concept que les moins de 20 ans ne peuvent pas comprendre) et que j’avais orné d’un magnifique papier Canson rose fluo … girl power oblige.
Avec un peu de recul (et 15 ans de plus) je me rends compte qu’une fois encore ces nanas « bad ass » se pliaient en quatre pour remplir les critères que Dieu l’homme voulait voir en elle. Au commencement de leur titre phare « Toutes les femmes de ta vie », les dignes héritières des Spice Girls version française, affirment ne pas vouloir être une femme objet voire une potiche (« Je ne suis pas de celles qu’on dispose en jolie statue de cristal »), c’est tout à leur honneur et on applaudit. Mais finalement le naturel revenant au galop, le ton change et nos rebelles proposent même ce qu’on appelle une proposition à tiroir : « si tu le veux je serais toutes les femmes de ta vie… pour satisfaire tes envies ». Carrément.
« Toutes les femmes de ta vie
En moi réunies
Ton âme sœur, ton égérie
Parfois ta meilleure ennemie
Toutes les femmes de ta vie
Glamour ou sexy
L’héroïne de tes envies
Je suis toutes les femmes
Tu vois, toutes les femmes de ta vie »
Oui parce qu’on ne sait jamais, à vouloir être trop rebelles, nous pourrions finir célibataires (« Sorcières! »). Ou alors parce que les L5 étaient produites par des hommes et qu’il ne faudrait pas leur laisser trop de liberté quand même.
Eh bien non voyez-vous chères membres des L5, ce n’est pas à l’autre de décider si vous devez être « glamour, sexy ou l’héroïne de ses envies », c’est à vous de déterminer celle que vous voulez être et de choisir d’être avec la personne qui voudra de vous telles que vous êtes (vous suivez ?).
Eh oui… pas con !
Non parce qu’en réalité, nous en parlions avec ma pote M. l’autre soir autour d’une bouteille de blanc (les bonnes réflexions arrivant généralement vers la fin de la bouteille), il est déjà très difficile de déterminer à quel moment nous nous sentons femme et il est encore plus difficile de savoir qui nous sommes tant l’humain est complexe et évolue continuellement que nous n’avons pas besoin qu’une tierce personne vienne nous dire comment il/elle voudrait qu’on soit (vous suivez toujours ?).
C’est pénible à la fin. Nous avons grandi avec des magazines féminins et des icônes pop qui avaient pour missions de nous apprendre à plaire aux hommes. Aussi, nous avons appris à nous comporter, penser, agir dans cette optique : le plaisir masculin. Que ce soit la reconnaissance de Baptiste le beau gosse du lycée mais aussi de toute figure paternelle qui pointait le bout de son nez. Un comportement extrêmement sain et valorisant, donc. On me dit dans l’oreillette que non, finalement.
Je voudrais, par ailleurs, rendre hommage à toutes les lesbiennes qui face à ce diktat de plaire aux hommes ne se sentaient pas concernées et étaient complètement ignorées et rendues invisibles.
Il est donc intéressant de revenir sur toutes nos références culturelles, celles qui ont forgé notre façon de penser et de voir le monde et de le remettre en questions.
Je vous invite par exemple à reprendre un de vos vieux « Jeune et Jolie » et d’en analyser le contenu. Vous vous rendrez vite compte du bourrage de crâne que vous avez subi et à quel point votre façon de concevoir vos relations a été biaisée.
Revenons déjà sur ce titre. « Jeune » et « Jolie ». Pourquoi pas « jeune et ambitieuse » (« parfois vicieuse, tu peux être la princesse de la ville si tu veux ! », si tu as également cette référence, nous avons eu la même adolescence !) ? Ou encore « Jeune et Drôle » ?
Ou encore mieux « Jeune et dans la moyenne, parce que nous ne sommes pas toutes belles, jolies, moches, drôles, intellos ou ambitieuses et pas toutes hétéros mais par contre nous existons toutes ». Bon d’accord c’est un peu long mais vous voyez l’idée ?
Et puisqu’à force de segmentations nous ne nous sentons à notre place nulle part. Je ne sais pas si je suis « une femme » ou « une fille », je n’ai par ailleurs pas réellement envie d’y réfléchir. Je ne sais pas non plus « Quelle genre de femme es-tu ? » (Test inutile n°52 de Jeune et Jolie), parce que ma réponse ne correspond ni à la réponse « carrée », ni « rond », ni « étoile ».
Parce que je suis pleine de nuances et de trésors cachés que je n’ai pas encore découverts. Parce que j’ai cette dualité en moi entre celle que je suis aux yeux de la société et celle que j’ai réellement envie d’être. Et parce que je voudrais juste vivre ma vie et ne pas me demander si la façon dont je m’épile détermine ma personnalité (test inutile n°54).
Nos références culturelles sont parfois imparfaites, à nous de nous en méfier.