C’est en avançant dans la vie, en vieillissant et en gagnant en expérience que je me suis rendue compte qu’un travail de déconstruction était nécessaire avant n’importe quel chantier de construction. Premièrement parce que je l’ai réalisé sur moi.
En choisissant une voie professionnelle ET personnelle assez éloignée de celles de mes parents et surtout en partant vivre à l’autre bout du monde, j’ai fait exploser en plein vol tous mes repères. J’ai dû un jour oublier jusqu’à la façon dont on se salue et la remplacer par une autre. J’ai donc remis en question les codes de mon éducation, mais d’autant plus les codes de ma société. Ces mêmes codes qui jusqu’à présent me servaient de modèles, de guides, d’objectifs.
C’est un processus à la fois extrêmement douloureux et extrêmement bénéfique. A l’autre bout du monde, loin des diktats français, j’ai pu décider – malgré-moi dans un premier temps – qui je voulais réellement être ou plus encore et plus exactement assumer celle que j’étais vraiment. C’est une seconde adolescence sans filet.
Mais cette déconstruction des plus extrêmes, m’a ensuite permise de me construire. Selon mes critères, mes choix, mes envies.
Cette déconstruction est très liée à ce qu’essaie de faire le féminisme. Déconstruire les stéréotypes, bouleverser les mœurs et donner aux femmes le choix de construire leur propre version de leur genre. Pas celle que les hommes ont créés.
Tout ce procédé est très lié à ce qu’on appelle en psychologie sociale, la catégorisation puis la déconstruction des stéréotypes.
La première étape étant d’intégrer la catégorisation à savoir l’activité mentale qui consiste à organiser et ranger les informations de notre environnement. Une catégorie réunissant donc des éléments qui se ressemblent par nature. Les arbres avec les arbres, les oiseaux avec les oiseaux et les vaches seront bien gardées (et ensemble). On ne mélange pas les torchons avec les serviettes. Bref, vous avez compris le concept.
Le processus de catégorisation repose sur une simplification de la réalité, or la réalité, vous le savez n’est pas simple. Cette simplification (qui n’est pas simple, donc) consiste ainsi, et c’est en général à partir de là que ça se gâte, à accentuer les ressemblances entre les éléments d’une même catégorie, et accentuer les différences entre les catégories. Pour vous donner un exemple totalement hasardeux : les hommes et les femmes.
Dès qu’une perception catégorielle est mise en place (par l’âge, le sexe, la religion, le statut social ou professionnel, etc.), les caractéristiques individuelles disparaissent. Évidemment, puisque nous sommes des individus et que nous pensons et analysons le monde selon des prismes différents et la plupart du temps biaisés, nous n’avons pas la même perception d’une même catégorie selon qui nous sommes.
Pourquoi sommes-nous sujet à cette catégorisation ? Chaque catégorie est subdivisée en groupes et le groupe est le référentiel de notre identité sociale. Nous nous construisons selon les critères établis par notre groupe et nous lui lions nos relations, nos envies, nos ambitions. Logique. Je suis par exemple en mesure de repérer le seul breton présent dans une soirée de parisiens.
Vous l’aurez compris, la catégorisation entraine la construction de préjugés et de stéréotypes qui eux-mêmes engendrent des comportements discriminatoires (par exemple : «les femmes sont plus douces que les hommes», «les hommes sont faits pour diriger»). Aussi, parce que les stéréotypes et les préjugés sont inculqués par notre environnement social, s’en défaire demande une prise de conscience et un travail sur soi assez conséquent. Mais pas impossible, bien au contraire.
Pour conclure, que ce soit pour notre bien-être en tant qu’individu ou pour une société plus juste et plus égalitaire, mesdames et messieurs l’heure est à la déconstruction.