Je suis une femme, blanche, hétérosexuelle, issue de la classe moyenne. J’ai fait des études, j’ai voyagé et je n’ai jamais manqué de rien. J’ai aujourd’hui un appartement dans un des plus beaux endroits du monde, un travail qui me permet de payer mon loyer, profiter de ce que m’offre Paris de culturel et divertissant et je peux partir en vacances et économiser.
Je suis ce qu’on appelle une privilégiée. Et pourtant, je n’aime pas ce mot. Parce que dans le langage courant, il est souvent associé à une posture non méritante de la personne qu’on appelle privilégiée. Mais c’est un autre débat.
Malgré mes privilèges, j’ai connu et je connais encore des discriminations. Parce que je suis une femme, que je suis issue de la classe moyenne (seulement, hum) et que je ne suis pas parisienne.
J’ai souvent été moins payée que mes homologues de la gente masculine. Oui, pour le même job, la même expérience, les mêmes compétences et la même contribution.
Lorsque je me ballade dans la rue, je ne me sens jamais totalement en sécurité, je me sens telle une proie avec une épée de Damoclés au-dessus de la tête.
Au début de ma carrière, on m’a gentiment recommandée de changer l’adresse apposée en en-tête de mon CV. Être bretonne m’enlèverait apparemment certaines compétences face à une parisienne. Une histoire de beurre doux et de beurre salé, je suppose !
Lorsqu’on aborde ma relation au sexe, on me laisse le choix d’être une p*** ou une nonne. Sans juste milieu.
Je ne suis jamais libre, je suis légère. Je n’ai pas une force de caractère, je suis névrosée ou folle. Et l’on réduit en permanence ma valeur à mon apparence physique.
Je reste une privilégiée. Dans le monde du privilège, les femmes blanches hétérosexuelles arrivent juste derrière les hommes blancs hétérosexuels. S’en suit une lutte des classes, qui vient ajouter des couches de complexité au sujet des privilèges.
De ce fait, dans sa newsletter « Les Glorieuses », Rebecca Amsellem – que j’admire tout particulièrement – affirme que la femme blanche a une responsabilité envers les autres. Les « autres » ce sont les femmes dites « racisées ». Donc en France les femmes noires, maghrébines ou asiatiques, par exemple.
Effectivement, la femme blanche se doit d’user de ses privilèges s’ils peuvent être bénéfiques aux autres. Ici le privilège dont parle Rebecca Amsellem est d’avoir accès aux sphères du pouvoir ou plus exactement aux hommes qui s’y trouvent. Les chefs d’entreprise, les politiques et j’en passe. Ces derniers se trouvant être nos maris, nos frères ou nos pères. Je ne suis qu’à moitié d’accord avec ça.
Tout d’abord, la femme blanche a donc une responsabilité qui lui incombe du seul fait de sa couleur de peau. C’est un peu exigeant, mais pourquoi pas. Mais, c’est une vision très idéalisée de la femme blanche, qui même si elle est censée bénéficier de privilèges liés à sa couleur de peau, ne bénéficie pas forcément de ces privilèges-là. Personnellement, mon frère, mon père ou mon copain n’ont pas beaucoup d’influence sur le monde. Je pense qu’avec cet angle de responsabilité, nous faisons donc fausse route.
Ensuite ce qui me dérange profondément, c’est la permanente mise en opposition des genres, des origines et des richesses. Parce que peu importe qui nous sommes, hommes ou femmes, riches ou pauvres, nous avons tous à notre niveau certains privilèges. Nous avons tous à notre niveau une responsabilité, une influence possible. Mais nous avons surtout tous un seul devoir : celui de solidarité.
Parce que la question au final n’est pas de savoir qui est plus privilégié que l’autre, mais que faisons-nous de ces privilèges ?