Cette semaine l’actualité féministe a joué avec nos nerfs. Tantôt positive, tantôt négative, nous apprenons à perdre des batailles avant de gagner la guerre.
Dès lundi, histoire de nous mettre en jambes, nous apprenions que Sandra Muller, l’initiatrice de #balancetonporc a été condamnée a 20 000 euros de dommages et intérêts pour diffamation en faveur d’Eric Brion (qui lui en demandait 140 000). Un scandale. Tout s’est joué à un mot. Le mot « harcèlement ». Parfois tout se joue à un mot. C’est la loi. Mais la loi ne peut-elle pas changer, ne doit-elle pas changer ? Notre système judiciaire ne devrait-il pas se remettre en question plutôt que les victimes ?
En 2019, il est toujours impossible pour une femme de se faire entendre. La justice ne fait pas son boulot et d’autres recours sont aujourd’hui malheureusement nécessaires pour mettre un « stop » à certaines pratiques. Lorsque un réseau social devient plus efficace que la justice d’un pays, n’est-ce pas le moment de remettre en question le système judiciaire du dit pays au lieu de se retourner contre celle qui l’a pointé du doigt ?
Aujourd’hui 1% des viols sont condamnés. 1 %. Pourquoi ? Un système judiciaire plein de failles, des tribunaux engorgés et des procès qui coûtent chers à l’Etat. Le viol devient ainsi une « agression sexuelle ». Je vous laisserai consulter le code civil, mais ce n’est pas la même chose, pas du tout.
Mais aussi, parce qu’il y a des femmes qui n’osent pas parler et celles qui osent ressortent du commissariat avec la honte pour seule consolation, convaincues d’être coupables. Bloquées par la peur des représailles, la peur du jugement ou dissuadées de toute tentative d’action en justice.
80% des femmes aujourd’hui estime avoir à faire à des comportements et outrages sexistes sur leur lieu de travail. 80%…. Et combien d’hommes remis à leur place ? Combien d’hommes sanctionnés ? Aucun ou presque. Sous couvert de maladresses ou d’humour, on laisse couler. Après tout, ne vous vexez-vous pas un peu trop lorsque vous avez vos règles ? La réponse est non !
La libération de la parole est une démarche essentielle pour l’équilibre auquel nous aspirons. Se taire ne devrait plus être une option. Que ce soit face à votre lourdaud de collègue et son énième blague sexiste qui ne fait rire que les virilités en danger ou encore face à votre violeur présumé. Time is up. Cette époque est révolue.
#balancetonporc n’est pas un acte de militantisme. C’est un coup de colère. Et son succès révèle tout simplement une colère généralisée.
Eric Brion est un enfant qu’on a pris la main dans le sac. Il a abusé de bonbons gratuits en toute impunité pendant des années, maintenant il est temps de passer à la caisse. Sans Sandra Muller, se serait-il un jour arrêté ? (Pour compléter mes propos, je vous invite à lire ce très bel article )
La deuxième nouvelle de la semaine est une petite pépite gouvernementale, une tartufferie des plus grossières. Début septembre, le gouvernement organise un grenelle et annonce des mesures fortes pour lutter contre les violences conjugales.
Une fois n’est pas coutume, toutes les associations féministes étaient conviées. Tous ce qu’il y a de plus normal, puisqu’elles sont en première ligne lorsqu’il s‘agit d’accompagner les femmes battues dans leurs démarches (parce que là non plus, la justice ne fait pas son boulot).
Elles sont donc arrivées avec le cœur gonflé à bloc mais surtout des propositions concrètes et un budget nécessaire à leur mise en place. Elles demandaient 1 milliard, on leur a donné 5 millions (pour 1000 places d’hébergement). C’est-à-dire… rien du tout. Mais la plaisanterie ne s’arrête pas là.
Il y a quelques jours, notre cher gouvernement a annoncé une baisse globale du budget alloué aux droits des femmes. Enfin, rectifions : il n’a rien annoncé du tout (ben non, il est pas fou Macron), en revanche, l’association Nous Toutes a été vérifier les comptes (malines!)… et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 29 871 581€ en 2019 versus 29 845 831€ en 2020. C’est moins, ou on ne sait pas lire ? Il ne manquerait pas 25 000€ ? Une belle tartufferie.
Heureusement cette semaine nous avons gagné un combat. Un combat historique. Une bataille qui dure depuis des années.
Après, trois jours de débat opposant non seulement les partis entre eux mais créant des divergences au sein de chaque parti, un vote a eu lieu.
Ce vendredi 27 septembre 2019, l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique a été voté par 55 voix contre 17, et 3 abstentions.
Il prévoit l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Alléluia! Oups, emprunter le vocabulaire de la Manif pour tous n’est peut-être pas des plus judicieux ici, mais j’avais quand même envie de leur faire un petit clin d’œil (Ah!) !
Il y a des semaines comme ça, où notre colère et notre tristesse grandissent face à l’injustice et au chemin qu’il reste à parcourir. Puis, le lendemain, notre cœur se remplit de joie et de fierté. Nous avons perdu quelques batailles mais nous avons gagné un beau combat. Et ce n’est que le début.
N’oublions pas qu’au-delà de nos frontières, beaucoup d’autres femmes se battent chaque jour pour des combats que nous n’imaginons même pas. Dans ces moments victorieux que nous vivons, c’est à elles qu’il faut penser.
Ne plus se taire, ne jamais cesser de se battre, garder espoir.