Aux armes citoyennes, disait la grande et brillante Louise Michel au XIXe siècle.
« Soyez féministes, mesdames », disent-elles aujourd’hui ! Dans la rue, dans les livres, dans les médias, le féminisme est partout, jusque dans la mode. Et même si je suis la première à ramener ma fraise sur le sujet, j’aimerais qu’on s’arrête un instant sur la pression qui existe autour de ça.
Comme si c’était si facile d’être féministe.
La plupart des féministes pensent et vivent le féminisme comme une évidence. Comme si parce que nous sommes femmes, nous devrions toutes, fourche à la main, nous ériger contre le système en place. Ce système dans lequel nous avons grandi. Ce système que nous avons intégré comme vérité absolue. Ce système que nos familles chérissent.
Comme si d’un revers de manche nous pouvions le balayer et nous en défaire.
Comme si en un claquement de doigt, nous avions soudainement une prise de conscience, comme si cette prise de conscience suffisait à nous donner la force nécessaire de remettre tout en cause et comme s’il suffisait d’accéder au savoir, à la connaissance pour agir, pour réagir, pour se battre. Comme s’il était facile de nous ériger toutes puissantes et fortes de nos convictions face à notre éducation, nos familles et le monde tout entier. Comme si être féministe et l’assumer était simple. Comme si ce n’était pas avant toute chose un combat à vivre avec soi-même. Elles oublient très vite que c’est un processus, parfois long et douloureux, que de s’émanciper.
Et si on se trompait ? Et si nous avions tout faux ? Et si nos convictions, aussi bien fondées semblent-elles, étaient tout simplement erronées ? Et si le prisme par lequel nous percevons un monde injuste et inégal était biaisé ? Alors pourquoi irions-nous au-devant d’un système si bien rodé, un équilibre si bien atteint et participer à son bouleversement, au risque de décevoir nos familles, de perdre leur confiance, leur estime et par la même occasion le lien qui nous unit ?
C’est avant tout une histoire entre nous et nous-même.
J’ai 34 ans et je suis féministe. Et aujourd’hui encore je prends des pincettes dans mes écrits (si, si je vous jure !). Parce que dire la vérité fait mal. Et personne ne veut de ce rôle. De celui qui blesse, heurte, bouleverse et choque parfois. Il est beaucoup plus facile d’être celle qui fait comme les autres, que l’inverse.
Alors on fait ce qu’il faut. On joue le jeu. On met des robes, on se maquille, on se fait jolie, on ne dit jamais vraiment non, on cherche un petit copain (pas une petite copine, malheureuse !), on fait des études, on accepte les salaires moindres, on se marie, on fait des enfants, on paie des impôts, on achète une maison, on prend un chien, une voiture familiale, on part en vacances entre la mi-juillet et la mi-août et surtout, surtout on reste à notre place.
Mais quelque chose cloche. Comme un caillou dans une chaussure, quelque chose nous empêche d’avancer, d’être nous-même. Alors on s’interroge, encore et encore jusqu’au jour où… il y a un déclic. On enlève alors sa chaussure, puis le caillou et on se remet en route. Mais cette fois, d’un pas décidé, sur le bon chemin.
Et alors naît ce sentiment. Ce sentiment, c’est la liberté. Ne cherchez pas à être féministes mesdames, cherchez à être libres.