Comment ça se passe le confinement de votre côté ? Moi, ça va. Je souffre un peu d’être orientée plein nord et sans balcon, mais ça va, je le vis plutôt bien. On dirait que j’ai fait le bon choix, comme Leslie (vous avez la réf’) ?
Lorsque j’ai commencé à écrire ou plutôt à bloguer, mon tout premier article parlait justement des choix de la vie et de ces rêves que nous ne réalisons jamais. Et le choix du sujet n’était pas anodin. Le 21 avril 2015, il y a 5 ans, je rentrais du Mexique.
Après une expatriation de 4 ans, ma vie entière dans mes valises, un chagrin d’amour en prime et la perspective de retourner vivre chez ma mère à l’aube de mes 30 ans. La pire année de ma vie mais le meilleur choix que j’ai fait.
« La vie est faite de choix, ma fille ». Ma mère m’a répété cette phrase un nombre incalculable de fois. Et je me rappelle par ailleurs, que les choix sur lesquels je m’arrêtais n’avaient aucune importance. Il faut dire que le jean que j’ai finalement décidé de porter pour la rentrée scolaire de 1999-2000 n’a pas eu grand impact sur ma vie. Et pourtant à l’époque j’étais en pleine transition de style entre le « pattes d’éph' » Loïs et le Levi’s « coutures tournantes ». Dur, dur.
En revanche cette même année, les décisions que j’ai prises sans sourciller, sans même y réfléchir ont changé ma vie.
D’ailleurs, toutes les décisions que j’ai prises après cette année-là se sont montrées tôt ou tard douloureuses et/ou déterminantes. Absolument toutes. Mais pour différentes raisons. La principale étant que je suis partie à la conquête d’une vie que je ne voulais pas.
Aussi, toute ma vingtaine, j’ai eu l’impression qu’il manquait toujours quelque chose à ma vie : de l’amour, de l’argent, de la reconnaissance, de la poitrine ou 10 cm… Je choisissais le mauvais mec, le mauvais job, les mauvaises études mais je choisissais surtout le mauvais problème. Je ne m’arrêtais pas sur le vrai sujet et donc sur les vrais changements qu’il y avait à faire, sur les vrais choix qu’il fallait faire, je tournais autour. Parce que faire de vrais choix, de ceux qui comptent, c’est incroyablement difficile.
Je pensais à l’époque que le problème de ma vie était lié à ce mec qui ne me rappelait pas, à ce job qui ne me payait pas assez, à Paris qui n’était pas fait pour moi. Mais le vrai problème résidait dans le dénominateur commun à tous ces éléments. Le problème c’était moi. Moi et ma perception de la vie et de ce qu’elle devait être.
Toute ma vingtaine j’ai essayé de cocher les cases, ou de ne pas les cocher d’ailleurs mais un peu quand même. Je ne voulais pas être dans la case mère et épouse alors j’ai été vers la modernité, vers la case ‘je voyage, je suis indépendante, j’ai un job important’. Peu importe la case, elle contient des sous-couche. Si tu es épouse, tu dois être mère. Si tu es indépendante, tu dois gagner de l’argent et avoir un gros poste. Si tu voyages il faut que tu fasses le tour du monde. Il n’y a pas d’entre deux, de compromis, de négociation possible.
J’avançais sans jamais m’écouter, en pensant chaque jour que la vie des autres était mieux que la mienne. Je passais ma vie à me dire « un jour ». Un jour ce sera différent. Et au lieu de me regarder dans un miroir et de changer en moi ce qui ne me convenait : mon comportement, mes contradictions, mes ambitions, je changeais un paramètre. Un nouveau mec, un nouveau job, une nouvelle ville. Mais rien n’y faisait. Car j’étais le dénominateur commun.
Et pourtant je savais. J’avais ce pressentiment de faire les mauvais choix mais je fonçais tête baissée. Je devais rentrer dans une case à tout prix. Pour citer ce très cher Guillaume Dubailly dans Le Bureau des Légendes*, un pressentiment, c’est quelque chose qu’on a vu, à côté duquel on est passé mais que nous n’avons pas pris en compte et qui reste dans un coin de notre tête.
Vous connaissez ce sentiment : comme ce pull que vous trouvez incroyablement beau et que jalousent toutes vos collègues mais qui vous gratte. Il vous rend à la fois fière, exceptionnelle mais vous est totalement inconfortable. Ce sentiment contradictoire entre ce que nos choix représentent et ce que nous ressentons réellement.
Quelques jours avant de partir au Mexique j’ai fondu en larmes dans les bras de ma meilleure amie en pleine rue. Elle ne s’en souviendra pas, parce qu’elle a une mémoire de poisson, mais j’ai littéralement fondu en larmes entre un Mac Do et un Kebab, un jour de pluie. Parce que je savais. Je savais que ce n’était pas la solution à mes problèmes. Mais plaquer ma vie toute entière me semblait plus facile qu’affronter le reste.
Ce pressentiment, cette intuition, il faut l’écouter.
Puis la trentaine est arrivée, je suis repartie de zéro. J’avais tout déconstruit, j’étais à terre, il n’y avait plus « qu’à ». Il m’a encore fallu corriger quelques bugs, faire quelques tests supplémentaires, mais la version 2.0 de moi-même était en route et cette version est devenue féministe.
Parce que lorsque j’ai tout déconstruit, j’ai découvert que je ne pouvais pas être celle qu’on attendait. Je ne pouvais être que moi. Et il n’y avait pas de place pour ce « moi » dans notre monde. Il est encore et toujours trop binaire, trop rangé, trop formaté. C’est là que tout a commencé.
Le problème n’était pas vraiment « moi » finalement. Et lorsque j’ai compris ça les planètes de ma vie se sont alignées.
Accepter d’être celle que je suis et aller à l’encontre des injonctions et des diktats était la première phase. Combattre ce schéma, et éviter aux femmes tous ce casse-tête inutile est la seconde phase.
Et je suis persuadée que ce cheminement individuel et interne est essentiel à l’émancipation globale des femmes.
C’est drôle comme la période actuelle nous renvoie en pleine face la réalité de nos vies. Aujourd’hui, en plein confinement, nous aspirons tous à retrouver notre « vie d’avant » ou alors a contrario nous commençons à nous poser les bonnes questions. Parce qu’entre quatre murs, sans distraction, sans leurre, nous n’avons pas d’autres choix que vivre pleinement la vie que nous avons choisie. Et lorsque nous avons fait les bons choix, dans le cocon de notre vie, le temps ne semble pas si long.
Aujourd’hui, la seule chose que je demande c’est de vous voir libres d’être vous-même et un balcon, plein sud. Parce que quand même, faut pas déconner.
*Guillaume Debailly dans la série est interprété par Mathieu Kassovitz, ce qui ne gâche rien au plaisir. Ma série du confinement, que je recommande fortement. Sur My Canal.