Alien revient, et c’est quelque chose, quand même. Parce que la saga, les années et les films dérivés s’accumulant, peut passer pour une simple anthologie horrifique, or, elle est bien plus que cela.
Ce qui fit du Huitième Passager de Ridley Scott une œuvre novatrice, imprévisible et révolutionnaire en 1979, ce n’est pas tant qu’on y dézingue tout l’équipage d’un vaisseau dans le grand vide de l’espace, ce lieu « où personne ne vous entendra crier », non, ce qui était profondément nouveau, c’est que pour la première fois, le corps humain était la source intrinsèque de la peur.
Car, dans le fond, c’est quoi Alien ?
C’est une immonde bestiole, qui une fois déposée dans le corps d’un hôte via une fécondation pas franchement appétissante, le tue dans un simulacre d’accouchement suprêmement dégueulasse. Bref, aux origines, Alien, c’est à la fois l’évocation d’une peur de la maternité (l’idée selon laquelle notre engeance est vouée symboliquement et physiquement à nous dévorer), doublée d’un affrontement en forme de duel entre deux formes de féminité.
Car dans Alien, c’est une femme qui se coltine la vilaine bestiole, laquelle, on ne va pas se mentir, avec sa gestuelle gracile, ses membres fins et la finesse de son design, est le premier monstre ouvertement féminin de l’histoire du cinéma. Autrement dit, Alien, c’est l’adaptation en film d’horreur spatial du Deuxième Sexe de Beauvoir, ou la confrontation entre la femme et la mère. Et bim.
Du neuf Mr. Scott ?
Du coup, comment Ridley Scott, qui a décidé de reprendre les rênes de la saga après presque 40 ans, a-t-il fait pour y apporter quelque chose de neuf ? Tout simplement en déplaçant cette problématique. Son Alien : Covenant, n’est pas seulement un film d’horreur extrêmement bien construit, intense, à la photographie somptueuse, non, c’est une vraie interrogation sur la masculinité.
C’est un fait bien connu, l’homme ne porte pas la vie. C’est tout le dilemme incarné par le personnage de David, le héros de Covenant, un androïde qui désespère de ne pouvoir donner la vie, de ne pouvoir étendre son existence. Jusqu’à ce qu’il trouve une technologie pour le moins… particulière, et des humains suffisamment couillons pour s’en approcher.
Covenant se transforme alors en un conte aux inspirations romantiques et germaniques, où un androïde déploie sous nos yeux un incroyable bestiaire, sa vision d’une création « parfaite », le tout dans le décor sidérant d’un néo-slasher perdu aux confins de l’espace. Ou comment, des décennies après le premier Alien, Ridley Scott continue d’interroger notre rapport au genre, à l’identité sexuelle et les peurs qui en découlent.
Ah et si vous avez encore quelques doutes, sachez que Michael Fassbender y taille, très littéralement, une pipe, à un clone de Michael Fassbender. Dans l’espace, on vous entendra glousser.
Par Simon Riaux
Simon, c’est la caution ciné de BOBONNE ! Rédacteur en chef du site Ecran Large depuis deux ans, Simon mange, boit et rêve cinéma ! Son péché mignon ? Les films bizarres et mal élevés !