Chaque mois, nous livrons nos coups de coeur rien que pour vous. Le meilleur de la culture mode et féministe à Paris , c’est ici !
La sélection du mois de mai
L’EXPO – Mary Cassatt, une impressioniste américaine à Paris
Les femmes peintres font rarement l’objet de grosses rétrospectives dans les hautes institutions parisiennes et c’est bien dommage. Heureusement, le musée Jacquemart-André répare un peu cette injustice en recevant dans ses espaces l’artiste franco-américaine Mary Cassatt. Grande amie de Renoir, Monet et Degas, elle fut l’une des rares figures de proue de l’impressionnisme au féminin, avec Berthe Morisot et Eva Gonzalès.
Une consécration de son vivant qui en dit beaucoup sur la profondeur de son talent. Avec une sensibilité singulière et un style unique, Mary Cassatt a en effet conquis les amateurs d’art des deux côtés de l’Atlantique. Ses tableaux d’une étonnante modernité dépeignent ainsi des scènes de quotidien nimbées de mystère où les modèles semblent perdus dans des pensées secrètes. Quant à ses portraits d’enfants et de mères, ils sont empreints d’une telle familiarité qu’ils feront sa renommée internationale, encore un siècle après sa mort.
À travers une cinquantaine de chef-d’œuvres – huiles, pastels, dessins et gravures – dont beaucoup proviennent de collections privées guère montrées au public, cette exposition rend donc compte de l‘univers intime et foisonnant de cette femme haute en couleur qu’était Mary Cassatt.
Le Bonus : Exposition Guernica
L’événement s’avère d’une telle ampleur que l’on ne pouvait faire l’économie de vous en parler. Et de vous inciter à aller voir au plus vite ce qui se trame dans le Marais, aux environs de l’Hôtel Salé.
Depuis la fin du mois de mars, et pour célébrer les 80 ans de sa création, se dévoile en effet une pièce fondamentale de l’art et de notre temps, à bien des égards : le monumental ‘Guernica’. Peint par Picasso en 1937, le chef-d’oeuvre n’avait pas quitté Madrid depuis 1992.
Grâce au prêt exceptionnel du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, à de nombreuses esquisses et études éclairantes, on (re)découvre la genèse du tableau, sa puissante symbolique dénonçant la barbarie de la guerre et des bombardement ainsi que sa portée sur le monde des années 1930, bien au-delà du milieu des arts. Un incontournable à rencontrer au moins une fois dans sa vie : vous ne le regretterez pas.
LE FILM – La fête des mères
Elles assurent (ou pas), elles donnent tout (surtout la vie) et elles font leur maximum sans concession (sauf une fois de temps en temps)… Les mamans font tant qu’elles méritent bien autre chose qu’un collier de nouilles pour la fête des mères – qui tombe le dimanche 27 mai cette année, juste pour rappel.
Alors pourquoi pas un film ? Un bon métrage choral développant une galerie de personnages plus vrais que matures, tendres et touchants d’une sincère fragilité.
Un trombinoscope de femmes (mais aussi d’hommes !) fortes et fiables, tout à la fois solides et craquelées d’aspérités. Boulangère, présidente, nounou, prof, avec ou sans enfants, avec ou sans la fibre maternelle, elles ont toutes une histoire à raconter et un message à faire passer à leurs homologues, femmes accomplies ou en devenir.
Réussi sur le fond comme sur la forme (le casting est aussi étoilé qu’une nuit d’été), le dernier-né de la réalisatrice – à qui l’on doit également le drôlissime Ma première étoile et le somptueux Le ciel attendra – prouve une nouvelle fois qu’elle sait manier la comédie et les sentiments sans tomber dans le pathos. La fête des mères vous tirera donc sûrement quelques larmes mais vous fera également beaucoup de bien. Un peu comme la caresse d’une maman qui soulage.
LA PIECE DE THEATRE – King Kong Théorie
Lorsque le livre éponyme de Virginie Despentes, dont cette pièce est l’adaptation scénique, est paru en 2006, il a foutu exactement le même bazar que King Kong débarquant à Manhattan. Bousculant les idées reçues, jetant à bas les principes sexistes et ébranlant les fondements d’une société misogyne, sa théorie a fait plus que vaciller le phallocratique « Empire Statement » qui faisait de l'(h)ombre aux femmes.
Et ce n’est pas pour nous déplaire ! La teneur de cette hypothèse développée par l’écrivaine et réalisatrice dans son essai ? Le gros gorille poilu qui fait peur à cet univers bien ordonné, c’est nous les filles. Partant de ce postulat, on arrête de se laisser faire et on pète tout ! Et surtout les carcans psycho-physiques que les bonnes mœurs nous imposent.
Manifeste pour un nouveau féminisme, King Kong Théorie a beau aborder des thèmes lourds – la prostitution, le viol, l’instrumentalisation du corps, etc. –, la liberté sexuelle qu’il prône décorsette nos cœurs appesantis d’obligations. Incarnée par trois comédiennes solaires (pour ne pas dire astrales), la pensée percutante de Virginie Despente nous file un coup de fouet salvateur. Pour cesser d’être esclave de notre genre.
Tous les jours du 25 mai au 7 juillet 2018 (sauf le 21 juin) – Au Théâtre de l’Atelier (1 Place Charles Dullin, 75018 Paris)
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LE CONCERT – Villette Sonique
Il fait chaud, c’est vrai, mais ce n’est pas une raison pour s’enfermer chez-soi les volets clos, le ventilo branché à fond et un brumisateur dans la tronche. Au contraire, on profite des beaux jours du printemps en suant sur la programmation exigeante de notre festival favori : le Villette Sonique.
Concerts gratuits en plein-air sur la pelouse de la prairie du Cercle Nord ou dans le jardin des îles. Découvertes musicales et hochement de têtes frénétiques sur de l’électro/pop/psyché marqueront cette treizième édition. Un chiffre porte-bonheur quand on parcourt les têtes d’affiche : James Holden, Jackie Mendoza, The Field, Flamingods, Fire !, Midnight Sister… Et pour ceux qui aiment la sonorité des espaces hermétiques, ils trouveront tout de même leur bonheur en se terrant dans la salle du Trabendo, de la Grande Halle ou du Cabaret Sauvage. Afin de s’ambiancer sur le post-punk Marquis de Sade et le « rockeux » Mogwai. Plus d’excuses pour ne pas sortir : Villette Sonique ta flemme !
Du 25 au 30 mai 2018 – Au Parc de la Villette (211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris)
LE LIVRE – Avec le corps qu’elle a…
Le diktat de la mode, de la beauté, des silhouettes photoshopées sur les magazines et des nymphes callipyges à la télé sont sources de complexes douloureux et de mal-êtres invivables pour de nombreuses femmes. C’est un fait que, pas à pas, chacune s’échine à déconstruire et ignorer pour reprendre confiance.
Mais avons-nous déjà réfléchi à celles qui sont dans le cas inverse. Celles dont le corps dit « parfait » est un cadeau empoisonné de Mère Nature, un atout paradoxalement dévalorisant. En prenant pour narratrice une jeune fille meurtrie par une phrase apparemment insignifiante et pourtant lourde de conséquence, Christine Orban se fait héraut d’un tabou. Celui des femmes idéales et à qui tout se doit donc de réussir. « Avec le corps qu’elle a, ça va être facile pour elle… ».
Cette dépréciation méprisante lancée par un beau-père envieux en dit beaucoup sur le monde des apparences qui régit nos jugements. Ou quand l’attractivité du sexe féminin inquiète la domination masculine qui se doit alors de la fouler au pied pour la rabaisser.
Avec des accents fitzgéraldiens et des phrases incisives, Christine Orban soulève le pansement de blessures invisibles. Car lorsque les mots poignardent, leur opposer un récit qui tranche dans le vif se révèle la meilleure réponse.
De Christine Orban – Edition Albin Michel