Chaque mois, nous livrons nos coups de coeur rien que pour vous. Le meilleur de la culture mode et féministe à Paris , c’est ici !
La sélection du mois de juillet
L’EXPO – Gordon Matta-Clark: Anarchitecte
Temple parisien de la photographie, avec la MEP, le Jeu de Paume élargie les médiums qu’il présente ordinairement pour la rétrospective rare d’un artiste atypique. De clichés en films mais aussi gravures et réalisations in situ : le visiteur se balade dans l’ossature d’un édifice créatif toujours debout. Et ce, même quarante ans après le décès de son ingénieur, à l’âge de 35 ans.
Architecte de profession avant de devenir “anarchitecte”, Gordon Matta-Clark a déconstruit les codes du genre au regard d’une culture urbaine contemporaine. Aimant les lieux abandonnés, les ruines et les espaces désaffectés, notamment du Bronx, l’artiste découpe des anamorphoses introduites de graffitis afin de donner une lecture moderne du paysage citadin. Et, par extension, de ceux qui y (sur)vivent.
LE FILM – Woman at war
Projeté pendant la Semaine internationale de la Critique au Festival de Cannes, Woman at War s’inscrit au Panthéon des OVNIs venus des fjords, au même titre que Björk et le hakarl (du requin fermenté, immangeable spécialité culinaire du pays).
Il faut dire que le cinquième film du réalisateur islandais – qui nous gratifie d’une œuvre tous les trois ans en moyenne – s’avère insolite dès son synopsis. Effectivement, ce dernier narrant le combat d’une Don Quichotte de la mondialisation contre l’industrie locale, tout en s’apprêtant à devenir maman en recueillant une petite orpheline ukrainienne. Or, et c’est là que réside le coup de maître, ce scénario décousu comme un rêve se révèle en vérité magistralement structuré, orchestré et incarné.
Un bijou de folie porteur de messages écologiques cruciaux, d’interrogations humaines nécessaires et faisant passer le spectateur par une vaste palette de sentiments. Du rire franc face au rocambolesque à l’émotion réelle suscitée par la fresque maternelle qui se joue à coup de fanfare en arrière-plan. Juste devant des décors à couper le souffle.
LA PIECE DE THEATRE – La révolte
Écrite en 1870, cette pièce d’Auguste de L’Isle-Adam, ici mise en scène par le dramaturge Charles Tordjman, est un douloureux tableau de la vie conjugale.
Celle d’un phallocrate banquier traitant sa femme Elisabeth à la manière d’une collaboratrice. Un ménage sans tendresse, presque indifférent, dans lequel la femme se sent engoncée. Jusqu’au point de non-retour, ce soir où elle annonce à son mari qu’elle le quittera quand auront sonné les douze coups de minuit.
Une Cendrillon que le mariage n’a pas délivrée, tout au contraire, prête à abandonner sa petite fille, la chair de sa chair, pour se sentir à nouveau vivante. Un huis-clos dont l’épouse s’échappe… pour finalement revenir quatre heures plus tard. Et son mari de lui accorder un humiliant pardon.
Ainsi, même si ce texte souligne la cruauté des rapports humains mal-assortis, la partition des acteurs, virtuoses, vaut à lui seul d’affronter le désamour dépeint sur les planches du théâtre. Julie-Marie Parmentier, qui ne fut pas par hasard pensionnaire de la Comédie-Française, passe sans crier gare de la froideur calculatrice à l’exaltation, puis à l’abattement. Dans cette périlleuse valse à trois temps, elle fait valoir toute l’étendue de sa technique et la pureté de sa diction. Contrastant avec le jeu, presque vaudevillesque, de son partenaire Olivier Cruveiller, particulièrement convaincant dans la peau du bourgeois désarçonné par les événements.
Du 17 mars au 15 juillet 2018. Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h – Au Théâtre de Poche-Montparnasse(75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris) – Pour réserver : ici – Lien bande annonce ici.
LE CONCERT – Fnac Live
Les Parisiens le connaissent bien. Il faut avouer que, depuis sa création en 2010, ce festival initié par le géant culturel ne cesse de gagner en popularité. En 2014, il a même été désigné «Meilleur festival gratuit » de France. Et la recette de son succès tient en deux items : des concerts en plein air au coeur de la capitale ; et une programmation appréciée du plus grand nombre, touchant tous les styles musicaux.
De quoi attirer les foules : l’an passé, ils étaient plus de 100 000 spectateurs à secouer impertinemment leurs popotins sous les bureaux de la maire Anne Hidalgo. Cette année encore, gageons que les mélomanes de juillet seront encore nombreux pour acclamer une ribambelle de jeunes talents, figures de la chanson française, groupes indépendants ou poids lourds de la scène. Parmi lesquels Sting & Shaggy, Petit Biscuit, Gaël Faye, Feder, Ibeyi, Jeanne Added, Moha la Squale, Dominique A, etc.
Du 5 au 7 juillet 2018 – À l’Hôtel de Ville de Paris (Place de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris)
LE LIVRE – Trente filles
Et le sujet n’est pas des moindre, à savoir l’enlèvement, en 1996, de trente adolescentes du collège ougandais St.Mary’s d’Aboke pour rejoindre la troupe des enfants soldats et/ou devenir esclaves sexuelles de la LRA.
Savoir retranscrire la véracité de faits réels sans tomber dans le rapport sans âmeest un exercice ardu. D’autant que Susan Minot développe un double récit apparemment aux antipodes. Celui d’une journaliste américaine venue couvrir l’actualité de ce pays cisaillé par la guerre et la vision à la première personne d’Esther, une des enfants retenues en otage.
Aux antipodes, vraiment ? Perdues dans un monde fou, incompréhensible, les deux rescapées se ressemblent finalement beaucoup. Ce roman célèbre, avec la puissance des mots, donne la force qu’il faut aux femmes pour se reconstruire après la violence, le viol, la peur, la mort.
De Susan Minot – Editions Gallimard