Les chiffres. Je n’en peux plus des chiffres.
Dans ce monde, tout est régi par des chiffres. Votre valeur est assimilée à un chiffre. Oui je suis grognon. J’ai perdu une heure de sommeil cette nuit… Encore un chiffre. Attention, je ne parle pas de l’utilisation des chiffres à des fins scientifiques comme les mathématiques ou la physique, je parle de ces chiffres, gourous de notre vie et de notre système de pensée.
Ces chiffres-là, je ne les porte pas dans mon coeur. Nous ne sommes que des chiffres. Tout le temps, partout, à n’en plus finir. Vous avez remarqué ? Ils décident pour vous. Ils décident ce que vous êtes aux yeux de la société et finissent par guider ce que vous pensez réellement de vous.
« C’est le numéro 2 de la boîte »
« Elle a 18 de moyenne »
« Il gagne 100k par mois »
« Elle a 8500 followers »
« Il fait 78 kg »
« Elle mesure 1m60 »
« Au 4ème top, il sera 8 heures, 32 minutes et 45 secondes »
…
Peu importe ce que vous choisissez de faire, d’être, les chiffres vous poursuivent, dictent votre vie et vous rangent dans des cases. Ils déterminent votre valeur. Une représentation précise de l’abstrait. Il est plus facile de se faire une idée d’une personne en regardant son salaire, son poids, ses notes, ou ses dettes qu’en apprenant à le connaître.
Les chiffres ne laissent aucune place à l’interprétation, à la nuance, au recul, à la bienveillance. Ils sont dénués de sentiments, ils sont froids comme un carrelage blanc.
Moi j’aime les mots. Les mots doivent être utilisés avec précaution, tant ils sont puissants. J’aime les mots, parce que j’aime la nuance.
Parce que nous vivons dans un monde de nuances et pas dans un monde binaire. Tout n’est pas blanc ou noir, non. Il existe mille et un pantone qui vous ouvrent les bras et colorent votre vie de tonalités toutes aussi recevables les unes que les autres.
Nous vivons dans un monde complexe, soumis à l’interprétation de chacun, que ce soit un individu, une société, un état, une religion. En réalité, nous ne sommes pas des chiffres. Nous sommes des mots. Mais notre société valorise les chiffres. Alors, nous chiffrons notre personnalité jusqu’à en oublier notre valeur.
Et pertinemment conscients de l’hypocrisie de ce système, nous allons même jusqu’à chiffrer la valeur des autres jusqu’à croire qu’un salaire ou qu’une taille de pantalon détermine notre rang dans la société. Absurde n’est-ce pas ?
J’aime les mots et leurs nuances. Même s’ils ont une définition qui leur est propre, elle n’est pas figée. Si vous cherchez la définition de l’intelligence dans le Larousse, vous trouverez diverses interprétations. Si vous cherchez la définition de la beauté, de la gentillesse, du mal et de la bêtise il en sera de même.
Alors, la plupart d’entre vous me diront : « oui, non, mais on sait tout ça ». Mais ce système de pensée binaire est tellement ancré, les boîtes renfermant les clichés si bien scellés que votre cerveau a appris à analyser le monde par ces prismes.
Installez-vous à une terrasse de café, observez les gens et essayez d’imaginer qui ils sont, ce qu’ils font dans la vie. Vous verrez que vos critères, ceux des premiers instincts ne volent pas bien haut. Je ne vous jette pas la pierre, j’ai grandi et évolué au sein du même système que vous.
Mais peut-être qu’en travaillant un peu chaque jour à la déconstruction de ce système de pensée, nous arriverons à vivre un peu plus ensemble et en bienveillance chaque jour ?
L’intelligence ne se résume pas aux notes, votre richesse n’est pas rattachée à ce que vous possédez, votre beauté n’est pas liée à votre taille de pantalon. Votre valeur n’est pas mesurable.
Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l’essentiel. Elles ne vous disent jamais: « Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu’il préfère ? Est-ce qu’il collectionne les papillons ? » Elles vous demandent: « Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ? » Alors seulement elles croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes: « J’ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit… » elles ne parviennent pas à s’imaginer cette maison. Il faut leur dire: « J’ai vu une maison de cent mille francs. » Alors elles s’écrient: « Comme c’est joli ! » «
Le Petit Prince.