Cette semaine l’actualité fait froid dans le dos et je ne parle pas de cette météo digne d’un mois d’octobre en plein mois de mai. Par où commencer ?
Peut-être par le recul de l’IVG aux Etats-Unis, tiens.
Il y a quelques jours, l’Alabama a voté une loi interdisant la quasi-totalité des interruptions volontaires de grossesse, même en cas d’inceste ou de viol (charmant !). Il prévoit une peine de 10 à 99 ans de prison pour les médecins pratiquant un avortement, sauf en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’ « anomalie létale » du fœtus.
Nous sommes en plein cauchemar. Celui que Simone de Beauvoir prédisait. Un changement politique plus tard, nos droits sont remis en question. Pourquoi ? Parce que Trump (encore lui) a nommé à la cour suprême deux juges anti-avortement enclin à faire changer les choses et que toutes les organisations religieuses ou les élus locaux « pro-vie » y voit l’opportunité d’un changement dans la constitution. Aaah, le rêve américain…
Mais revenons en France avec la sortie d’un livre, celui de Nicolas Grégoire : « Pas avant le deuxième tour ». Le livre avait une seule ambition, celle de dénoncer en confessant. Dénoncer quoi ? Les machinations, abus de pouvoir, corruption d’un système politique bien huilé qui profita au plus fort. Alors Nicolas Grégoire, qui avait bénéficié d’un emploi fictif entre 96 et 97 sous Bayrou, ne mâche pas ses mots et se confesse…encore et encore. Jusqu’à ce passage du livre où la confession va trop loin (âmes sensibles, s’abstenir):
« Tard un soir, je m’introduis dans la blonde. Elle est sèche comme du papier de verre. Les yeux mi-clos, du ton geignard de ceux qu’on réveille, elle me dit « Non, non ». Elle secoue mollement la tête, passe ses bras sous l’oreiller. Je continue à pousser. « Non…Non, non ». Rien à faire le rapport est refusé. Alors j’éjacule froidement. Comme dans un sac. Sans un mot, elle se lève pour s’essuyer. Un sentiment de honte s’empare de moi ».
Oui vous avez bien lu. Oui c’est un viol.
Depuis, Nicolas Grégoire fait face à un déferlement de haine sur les réseaux sociaux, les associations féministes montent au créneau et crient au viol. A juste titre.
Interrogé par le média Les Inrocks, le journaliste se défend : “Je sais que j’étais un connard, c’est ce que je dénonce, se défend-t-il. Justement le but de mon livre était de montrer comment la politique change les gens et, qu’à ce moment-là, je ne me reconnaissais plus, je traitais les femmes comme des objets. C’est ce que je dénonce !”,
Dans un communiqué publié sur sa page Twitter, il encense cette version : la politique a fait de lui un être abject, dénué de sentiment et qui objectifier la femme. Mais il n’est pas un violeur, juste un connard.
Intéressante prise de position lorsqu’on sait que Nicolas Grégoire, ce bon samaritain de la dernière minute, a attendu 20 ans et a tout de même consulté ses avocats avant de confesser ses actes. Etonnant, puisque, sauf erreur de ma part, je ne crois pas qu’être un connard soit puni par la loi (dommage !) en revanche le viol, si.
Qu’est-ce qui m’interpelle le plus ? Le journaliste annonce sans détour que la jeune femme en question serait absolument choquée qu’on puisse considérer cet acte comme un viol. Une femme à qui il n’a pas parlé depuis 20 ans, donc.
Comment est-il à même de savoir ce qu’elle en pense et quelle limite met cet homme entre un acte dégoutant et un viol ?
(Kevin Thicke aurait probablement parlé de « blurred lines » mais c’est un autre sujet)
Par ailleurs, Il se vante d’avoir défendu de nombreuses femmes victimes de harcèlement… C’est tout à son honneur mais j’ai quand même envie d’ajouter que le pouvoir de la culpabilité nous fait faire des choses parfois incohérentes comme défendre des victimes de harcèlement sexuel lorsqu’on a soi-même violé. Mais je ne m’avancerai pas à jouer les psychologues de comptoir… quoique.
Cerise sur le gâteau (oui, cet homme est plein de surprises!) ? Il estime ne pas avoir à s’excuser auprès de celle qu’il nomme « la blonde », d’un acte qui lui parait pourtant répugnant (ce sont ses mots). Bref, la logique d’un homme droit dans ses bottes probablement.
Mais parlons d’elle « la blonde ». S’est-elle reconnue dans le livre ? Probablement. Se sent elle humiliée et insultée ? Sûrement. Se souvient-elle de cette nuit ? Personne ne saura le dire. Mais si c’est le cas, ce n’est probablement pas un bon souvenir. Peu importe d’ailleurs, car elle n’aura le droit qu’à l’humiliation, pas à des excuses. Et puis quoi encore, du respect ? Non, c’est un mot que le politiquement incorrect ne connaît pas, voyons.
Il est temps de rappeler quelques petites choses qui, je trouve, reviennent très souvent dans les discussions, en témoigne le dernier clip d’Angèle « Balance ton quoi » : la notion de consentement est primordiale de la rue jusqu’au foyer. Elle ne s’arrête pas aux portes de votre maison. Et quand une femme dort, elle dort. Parce que comme le dit si bien Blanche Gardin, combien de fois c’était oui, mais en fait c’était non ?
Combien de fois les femmes, lassées ou fuyant la peur d’un conflit se sont pliées au désir de l’homme qu’elles aiment. Dire non si c’est non, c’est plus fort que ce que vous pouvez penser. Ce respect que nous nous imposons à nous-mêmes en disant non, nous l’imposerons aussi aux hommes que nous avons en face de nous et alors peut-être que d’objet nous passerons à des êtres à part entières.
Car la femme n’est pas un objet dont l’homme dispose à sa guise. Mais cette notion si désuète à présent en arrange plus d’un. Les egos surdimensionnés, les âmes humiliées ou dépourvues de confiance et les assoiffés de pouvoir et de domination. Il faut faire très attention au pouvoir, il donne accès à une domination incontrôlable. Ou l’ego vient régner sur la nuance, le bon sens et l’humanité.
Femmes, nous a t’on dit jadis, tu te plieras aux volontés de l’homme qui te dirige. Tu ne seras jamais plus riche qu’un homme, tu ne seras jamais aussi libre qu’un homme et tu ne disposeras pas de ton corps, jamais.
Plus d’actualité me direz-vous ? Et pourtant, nous vivons encore dans un monde ou un violeur pense qu’il n’est qu’un connard et où les hommes décident encore du sort de notre corps.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » – Simone de Beauvoir.